Interview de Bruno BOURDET, la BD à l'honneur !
- Pierre RAFFANEL
- 18 janv. 2023
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 1 avr. 2023
Post de Pierre Raffanel (interviews novembre - décembre 2022)

Pierre Raffanel : Bruno, tout d’abord un grand merci d’avoir répondu sans hésitation, avec bienveillance et talent à ma sollicitation de réaliser cette couverture sur mesure pour ce 9ième numéro de notre revue associative Post’Art ! Comment a démarré ta passion pour le dessin ?
Bruno Bourdet : Tout simplement dès mon plus jeune âge. J’étais abonné au journal de Mickey et ça m’a donné envie de dessiner des petits Mickeys. À l’adolescence, mes parents, voyant l’intérêt que je portais au dessin, m’ont inscrit aux Beaux-arts d’Angoulême; au début à temps partiel puis j’ai continué mes études à temps complet pendant 2 ans. Durant ma scolarité mes parents m’achetaient très régulièrement des bandes dessinées…
PR : Quelle coïncidence…la capitale française de la Bande dessinée ! Serait-ce une prédestination ?
BB : Effectivement c’est peut-être ça qui m’a nourri, j’étais baigné dedans. J’aimais bien la B.D. mais rapidement je me suis mis à peindre car je trouvais que je pouvais m’exprimer artistiquement de manière plus libre et que la peinture m’offrait plus de possibilités.
PR : Quelles techniques utilises-tu ?
BB : Après une esquisse au crayon, de la peinture à l’huile mais également à l’acrylique. Pour mes tableaux, je m’inspire à la fois de l’exotisme et du fantastique, laissant libre cours à l’imaginaire, sans artifice, ni modèle.
Pour la colorisation de mes illustrations de bande dessinée, j’ai 2 méthodes : la peinture à l’ancienne directement sur la planche ou la palette numérique sur écran. On peut aussi mélanger les 2 méthodes : tu travailles en direct ta peinture et tu fais quelques retouches en numérique. En numérique, je ne commence jamais avec une page blanche, je fais toujours en amont mon encrage noir et blanc, puis je scanne mon dessin pour coloriser en numérique.
PR : As-tu un atelier ?
BB : Oui, je travaille dans la pièce principale, la pièce de vie car j’aime bien mon petit confort, être en présence de la télévision ou avec de la musique. Je suis à l’aise quand je dessine et je peins dans l’environnement familial, entouré de mes enfants. J’aime quand mon entourage interfère, participe à mes travaux en cours…Pour l’écriture, en revanche je préfère être isolé.
PR : Ta double casquette de Postier et d’artiste a-t-elle généré des obstacles durant ton parcours professionnel ?
BB : Bien au contraire, mon étiquette d’artiste m’ a toujours permis d’avoir « la côte » auprès de mes collègues du Centre financier de Nantes et ce, depuis mes débuts à la Poste en 1990. Cela s’est même accentué depuis 2 ans quand je me suis mis à faire de la figuration pour des tournages de cinéma.
PR : As-tu commencé ton parcours postal - passage obligé à l’époque - à Paris ?
BB : Oui, au Centre financier de Paris avec des horaires de brigade. Ce rythme de travail a été et est essentiel pour mes diverses activités créatives. J’y suis resté 13 ans, habitant dans un premier temps dans le quartier montmartrois puis ensuite au cœur du Marché des Puces de Saint-Ouen parmi les antiquaires. C’était un choix personnel car j’adorais fouiner dans ces milieux et tous les week-ends étaient festifs ! Après j’ai eu une envie de verdure, de retourner à la campagne, d’avoir un contact avec la forêt…j’ai obtenu ma mutation à Nantes.
PR : As-tu fait des rencontres déterminantes, as-tu eu des périodes qui ont stimulé ton parcours artistique ?
BB : oui, à mes débuts je faisais du café-théâtre avec une amie qui m’a encouragé à peindre pour que je présente quelques tableaux à une artiste peintre de sa connaissance. Dans la foulée, c’était le mois septembre 1999, je me suis inscrit au Salon de la Société Artistique et j’ai été sélectionné pour exposer au Musée de La Poste en décembre de la même année. Cette nouvelle visibilité m’a permis pendant 4 ans d’exposer dans une galerie dans le quartier parisien du Marais, puis dans une autre en face du Centre Beaubourg. Cela a duré une quinzaine d’années pendant laquelle j’ai été surpris de voir l’intérêt suscité par des galeries parisiennes puis nantaises par mes peintures d’inspiration fantastique.
PR : En regardant quelques-unes de tes planches de B.D. j’ai la sensation que l’humour tient une place importante ?
BB : Dès mon arrivée à Nantes j’ai exposé régulièrement dans la galerie Art Mel. Un jour la gérante m’a proposé de réaliser des vaches humoristiques sous forme de tableaux de divers formats. La fraîcheur de ces réalisations a eu de suite un bel écho auprès du public et m’a redonné l’envie de faire de la bande dessinée avec l’humour en fil conducteur. Parallèlement, deux de mes projets auprès d’éditeurs n’ont finalement pas abouti. En revanche, je suis souvent sollicité pour des planches personnalisées.
PR : As-tu des artistes « références » ?
BB: Dans le fantastique, incontestablement Philippe Druillet pendant sa période Métal hurlant. Dans une moindre mesure, Moebius et bien évidemment Enki Bilal avec son style inimitable. Plein d’autres artistes tels Tardi, Frankin, Uderzo m’ont également « nourri ». En revanche la ligne claire d’Hergé m’a moins inspiré graphiquement. Pour la peinture, j’aime énormément les préraphaélites, les peintres issus du courant symboliste comme Böcklin, Waterhouse, Rossetti, Burne-Jones, Gustave Moreau mais aussi Gustave Doré, Klimt, Alter Holz.

PR : As-tu déjà eu des collaborations pour tes créations avec d’autres artistes ?
BB : oui, quelques-unes. À une époque, je m’étais mis en recherche de scénaristes pour mes illustrations mais ces réalisations n’ont finalement pas intéressé les éditeurs. Je me suis donc mis à travailler seul. J’ai plusieurs romans finalisés mais je mets un point d’honneur à ne pas les autoéditer.
PR : As-tu un projet actuellement ?
BB : C’est plus qu’un projet puisque mon roman jeunesse Hibiscus et la conquête de Balaou vient de paraître courant octobre.
PR : Comment as-tu basculé vers l’écriture ?
BB : Deux facteurs ont contribué à ce changement : une restructuration et une réorganisation des horaires concernant mon travail au Centre financier, et dans ma vie personnelle une sollicitation constante de mes deux jeunes enfants. Ne pouvant dessiner à ma guise, j’ai trouvé une nouvelle source d’inspiration et me suis tourné naturellement vers l’écriture, ai créé ce roman illustré, fais du démarchage sur internet et obtenu la validation des éditions vosgiennes Ex-Aequo. Peut-être même qu’une collection va suivre avec cette fillette créole Hibiscus…
PR : Tes enfants sont-ils tes premiers lecteurs ?
BB : Non, je suis un peu cachotier, c’est un peu mon jardin secret. Je partage mon travail d’écriture avec uniquement 3 à 4 personnes, enfin jusqu’à présent…puisque maintenant mon bouquin va être diffusé !
PR : Quelle est à ton avis la place de la Bande dessinée parmi les Arts ?
BB : elle a vraiment sa place …je suis heureux de son évolution depuis ma jeunesse grâce, entre autres, à l’école Pilote et tous ces artistes : Druillet, Gotlib, Moebius… qui ont permis à la B.D. d’acquérir ses lettres de noblesse et d’être un moyen d’expression à part entière, un Art majeur.
© Bruno Bourdet ( Le Village La Poste - Vache au café - L’Ambassadrice)

le Petit dragon de Ragon (mascotte du quartier de Ragon à Rezé, ville limitrophe de Nantes) © Bruno Bourdet
Comments