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Interview de Xavier CARRèRE, sculpteur et plasticien

  • Photo du rédacteur: Pierre RAFFANEL
    Pierre RAFFANEL
  • 31 déc. 2023
  • 7 min de lecture

Dernière mise à jour : 7 janv. 2024


Xavier CARRèRE dans son atelier show-room ©2023 Photo Pierre Raffanel

Xavier CARRèRE dans son atelier show-room ©2023 Photo Pierre Raffanel


 Xavier Carrère nous a ouvert chaleureusement les portes (en « Herbes folles ») de ses ateliers nichés au cœur des Landes où nous avons pu découvrir son univers artistique – prolifique et élégant , son audacieux talent et sa sensibilité indéniable et peut-être même l’expression d’une certaine philosophie de vie ! 

 

Pierre Raffanel : Êtes-vous artiste verrier, souffleur de verre, sculpteur ?

Xavier Carrère : Je dirais sculpteur et plasticien. J’ai réalisé essentiellement des pièces en verre mais j’ai beaucoup associé cette matière à d’autres matières (bois, bronze, béton, fer, pierre, acier...). Je n’ai pas voulu me nommer souffleur de verre car réducteur par rapport à mon travail, verrier c’est trop vaste, trop générique !

 

PR : J’ai cru lire que votre formation avait commencé avec votre oncle maternel ?

Xavier : Oui pour le verre, avec Robert Pierini, lui-même formé à la verrerie de Biot près d’Antibes pour d’abord un travail sur un verre utilitaire (verres à pied, carafes), puis s’installant à son compte en 1980 il aura rapidement une recherche personnelle. À cette époque c’est le début des petits ateliers individuels en France, Allemagne, Europe. L’accès aux couleurs, aux acides était difficile ; il n’y avait que des industries de verre, les petites unités n’existaient pas. J’ai vu naître cette évolution. Mon oncle a commencé à imaginer des décors sur des vases, s’inspirant de la nature, de poissons, d’ailes de papillon… il a fait des recherches sur les oxydes métalliques, les couleurs et a réussi à imposer un style, une signature.

 

PR : Avez-vous fréquenté une école d’art ?

Xavier : Mon apprentissage « technique » s’est fait en assistant mon oncle : dosage d’une bonne quantité de verre au bon moment, à la bonne température. Cet apprentissage a bien duré 5 à 6 ans : répétition des gestes pour assurer une juste précision. En parallèle, avant de travailler le verre, dès mon plus jeune âge, j’ai toujours dessiné, peint, sculpté, avec une nécessité de s’exprimer au travers de l’art. Dès que j’ai eu un minimum de maîtrise, tous les soirs mon oncle me prêtait son atelier et seul, je m’essayais à créer mes premières pièces. Rapidement, mes réalisations ont été remarquées par des galeries et mes œuvres ont pu être exposées. La curiosité, mes observations de différentes techniques lors de mes voyages aux États-Unis, dans les pays de l’Est ont été essentielles à mon apprentissage ; elles m’ont ouvert des horizons.


PR : Vous avez été formateur au sein de l’association ADAC à Paris ?

Xavier : Oui pendant 3 ans, j’ai été responsable de l’atelier de verre soufflé et cela a été un formidable tremplin car à l’époque j’aurais voulu m’installer mais je n’avais pas les moyens financiers. Lors d’une Biennale internationale au musée Fernand Léger à Biot où j’avais été sélectionné, une rencontre avec le responsable de l’atelier de verre soufflé – chalumeau de l’ADAC m’a permis d’intégrer cette association. Ce fût une magnifique opportunité car, en dehors des cours d’initiation que je prodiguais, j’ai pu faire des recherches à l’atelier pendant les vacances scolaires. Ce fût une période d’intenses activités. J’organisais régulièrement des démonstrations de souffleurs de verre qui permettaient aux élèves d’observer le travail de ces artistes. J’ai pu inviter l’un des plus grands maîtres verriers Lino Tagliapietra, c’était la première fois qu’un artiste italien venait montrer ses techniques en France.   

 

PR : Pourquoi n’êtes-vous pas resté en région parisienne ou dans votre terre originelle le Var ?

 Xavier : Parce que j’ai préféré une région plus sereine, les Landes. À l’époque, le week-end je me baladais un peu, j’ai découvert Orthez lors de mes études de photographie et j’ai aimé l’espace, la tranquillité de cette région. Et malgré mon statut de chômeur suite à mon départ de Paris, j’ai été surpris par l’accueil très chaleureux à mon arrivée. C’est par l’entremise d’une amie rencontrée lors de mes études à l’école de photographie que je me suis installé à Soustons, j’ai loué un espace de 100m2 en plein centre-ville, j’ai récupéré quelques réalisations de collègues artistes et j’ai commencé en été une activité de galeriste. Puis j’ai trouvé un atelier perdu dans les bois de Soustons où j’ai exercé une activité de souffleur de verre, de performances qui attiraient des visiteurs pendant 2 à 3 ans.

 

PR : Quand votre vocation a-t-elle pointé le bout de son nez ?

Xavier : J’ai envie de dire presque à la naissance, j’ai eu ce besoin de m’exprimer par la matière. En revanche, je n’ai pas été doué pour les études, je m’ennuyais un peu, j’étais rêveur, un peu tricheur. N’étant pas très à l’aise avec les potes de mon âge, je préférais la fréquentation de personnes plus âgées comme certains de mes professeurs.

 

PR : Pour vos sculptures en verre, la lumière est-elle essentielle ?

Xavier : Pas toujours, j’ai fait des moulages de sculptures en verre pour faire des bronzes qui produisait un résultat très satisfaisant grâce au volume des formes polies, rondes.

 

PR : Du coup vous n’êtes pas vraiment dans la quête d’une résultante de couleurs qui amènerait à un certaine luminosité, une transparence?

Xavier : Tout à fait, c’est-à-dire que je me suis toujours méfié de la séduction que pouvait apporter le verre. Effectivement cette transparence nous attire mais je trouve cela trop réducteur. Une sculpture en béton par le biais du symbole qu’elle dégage, par ses formes peut tout autant nous séduire. C’est vrai que je peux être aussi attiré par le jeu des effets et prismes d’optique comme certains maîtres tels Yan Zoritchak mais c’est un autre registre.

 

PR : Quelle est l’origine du mot Ovolite dont vous nommez certaines de vos créations ?

Xavier : C’est un ami poète qui a trouvé l’idée, suite à une de mes installations d’alignement de 66 bulles de verre sur la grande plage de Biarritz en 1998. Ovo signifiant l’œuf et lite la pierre. Puis l’idée de les suspendre sur tes tiges métalliques m’est venu en observant les forêts de pin devant mon ancien atelier à Soustons.  Ces ovolites sont devenus une de mes signatures.

 

PR : Avez-vous un processus d’inspiration ?

Xavier : Je ne me suis jamais enfermé dans un processus déterminé. À partir du moment où je ne me fais plus plaisir, que je sens que je me copie, je passe à autre chose. Le grand plaisir dans la création est d’aller dans des territoires inconnus, de se surprendre soi-même, quitte à se tromper, à faire des erreurs et avoir des périodes d’errance pour mieux rebondir.

 

PR : A ce propos, après une période où vos œuvres étaient inspirées par le thème du « Lien », votre dernière exposition « I love your imperfections » s’est nourrie du Kintsugi, cet art séculaire japonais qui consiste à réparer des objets cassés ?

Xavier : C’est mon mariage en 1999 qui m’a inspiré le thème des « Liens », les liens plus ou moins tendus, les liens qui te laissent vivre,  les liens qui t’étouffent…qui m’a permis de faire interagir différentes matières pour la création de mes sculptures. Puis un divorce, des changements de vie, ces liens qui se cassent m’ont amené à la conclusion que ces liens existent à vie et qu’ils te sont intrinsèquement liés et qu’il faut les accepter. C’est là que je me suis intéressé au Kintsugi, cet art d’accepter ces fêlures, de réparer et sublimer ces échecs, en quelque sorte de résilience.


PR : Quel est l’origine du Kintsugi  ?

Xavier : Cet art japonais remonte au XVe siècle lorsque le chef de guerre japonais dénommé Ashkaga Yoshimasa cassa son bol fétiche lors de la cérémonie du thé. Il le renvoie alors en Chine pour le faire réparer, les artisans percent le bol et lui mettent des agrafes. Le résultat lui déplait et il met alors au point une technique avec des laques naturelles pour le restaurer : scotch, mise à l’abri de la lumière avec un certain taux d’humidité, puis une succession de séchages, ponçages et apposition de laques et la dernière étape saupoudrage d’or.


 le Kintsugi by Xavier CARRèRE  ©2023 Photo Pierre Raffanel

 le Kintsugi by Xavier CARRèRE ©2023 Photo Pierre Raffanel

 

PR : Que ce soit en arrivant aux abords de votre atelier ou dans votre lumineux et spacieux showroom où nous sommes, j’ai pu admirer des créations grand format ?

Xavier : Ce sont des pièces plutôt prévues pour des extérieurs. J’ai un assistant qui est un bon soudeur qui m’aide pour ces réalisations.

 

PR : Votre atelier a hébergé une sorte de musée du verre ?

Xavier : Dès que j’ai fait l’acquisition de ce lieu à Magescq, j’ai constitué une collection de collègues verriers. Suite au décès d’un ami artiste, j’ai voulu lui rendre hommage en lui créant un espace dédié puis est venu l’idée de raconter l’histoire et les évolutions du verre contemporain depuis les années 80 car j’ai eu la chance de voir la création du premier de verre soufflé en France à Dieulefit dans la Drome. J’ai demandé à chacun des verriers des ateliers disséminées sur le territoire de confier une de leurs créations et nous avons constitué une association. Cela a duré 5 ans ;  des estrades dans l’atelier, des démonstrations de verre soufflé, une partie pédagogique avec des scolaires, des curistes. Puis la gestion devenant trop contraignante, j’ai confié cette collection au Musée- Centre de verre de Carmaux.

 

 PR : J’ai pu contempler quelques-unes de vos créations chez les étoilés Coussau au Relais de la Poste, comment votre relation s’est-elle nouée ?

Xavier : Très simplement. Dès mon arrivée dans les Landes, j’ai voulu louer leurs vitrines pour exposer mon travail, mais l’accueil que m’a réservé le chef doublement étoilé a été plus généreux. Ce fût le début d’une belle relation d’échanges mutuels qui perdure encore aujourd’hui. Je reconnais que d’avoir été adoubé par les Coussau m’a conféré et me confère une certaine notoriété.

 

PR : Avez-vous eu des collaborations avec d’autres artistes ?

Xavier : Oui, lors du Festival d’arts numériques « Collisions » en 2018 organisé par le Fablab l’Établi à Soustons. L'originalité du festival a reposé sur la constitution de binômes d'artistes régionaux issus d'un côté des arts numériques, de l'autre des arts plastiques s'engageant à mixer et confronter leurs disciplines et leurs démarches artistiques pour créer des œuvres originales hybrides.

 

PR : Votre fils Iban (Jean en basque) crée des bijoux, lui avez-vous transmis votre passion artistique ?

Xavier : Il a fait un cursus scolaire jusqu’au bac, a commencé des études de communication mais il a eu une révélation : « Je veux être bijoutier ». Il a suivi des cours à Hossegor avec Armand Varailhon, bijoutier à la retraite et s’est lancé dans l’aventure de la création de bijoux, avec pour inspiration les thèmes de l’océan, du surf et pour la fabrication, un ancrage très local.

 

PR : Avez-vous d’autres projets ?

Xavier : Rencontrer de nouvelles galeries qui accueilleraient mes sculptures d’extérieur. 


(chronique de Pierre Raffanel dans la revue Post'Art 11 - décembre 2023)


 Xavier CARRèRE dans son atelier ©2023 Photo Pierre Raffanel

  Xavier CARRèRE dans son atelier ©2023 Photo Pierre Raffanel

 

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