Du 29 juin au 13 octobre 2024, sous la houlette de Michel Hue et à l’initiative de la fille du peintre, Pascale Lauzero, une rétrospective intitulée « Entre paysage et musique » a mis en lumière 70 tableaux de 1933 aux années 2000 du peintre Albert LAUZERO à l’église abbatiale de Flaran. Michel Hue, conservateur départemental du patrimoine et des musées du Gers nous explique lors du vernissage : « Dans le cadre de ses activités autour de l’Art contemporain depuis plus de 23 ans, la Conservation départementale du Patrimoine, des musées du Gers et de l’abbaye de Flaran met en avant chaque été un(e) artiste qui incarne les tendances esthétiques de notre époque. » Pour cette exposition, certainement une des plus importantes rétrospectives de cet artiste, c’est également un retour aux sources ; Albert Lauzero (1909-2006) est en effet natif du Gers, plus exactement de Fleurance.
L’ensemble architectural de Flaran est un témoin de l’histoire médiévale gersoise et un joyau de l’art cistercien. Depuis les années 80, il accueille un centre d’art qui abrite l’une des plus belles collections d’art au monde, constituée par le philanthrope anglo-saxon Michael Simonow, tombé amoureux de ce cadre remarquable. En quarante ans, il a constitué une collection de chefs-d’œuvre confiés à l’abbaye. Des peintures du XVIe au XXe siècle (Cézanne, Renoir, Matisse, Picasso, Monet, Braque, Tiepolo, Rubens, Courbet, Rodin …) qui se déploient aujourd’hui magnifiquement dans le dortoir des moines (XVIIIe) qui a fait l’objet d’une importante rénovation en 2008 et 2009. Aujourd’hui, la collection Simonow forte de plus de 300 chefs-d’œuvre, unique en son genre dans le Gers et remarquable à l’échelon national, bénéfice d’un écrin à la mesure de son intérêt historique et esthétique. Certains surnomment l’abbaye de Flaran « le Petit Louvre de la Gascogne » et elle est une étape majeure sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle. Des quatre itinéraires menant de France à Saint-Jacques de Compostelle, la via Podensis part du Puy. Elle traverse le massif d’Aubrac, s’arrête à Conques, Beaulieu, Moissac et passe par Flaran, autant d’étapes dans ce sud-ouest qui voyait se regrouper tous ces « marcheurs de Dieu » en quête de pénitence et d’absolution.
LAUZERO, une musicalité lumineuse
En mars 1974, dans la revue Arts PTT n° 67, Robert Vrinat écrivait : « Notre ami Lauzero et fidèle exposant du Salon des PTT a présenté cet automne un important ensemble de ses œuvres récentes dans les belles et vastes salles de la galerie Durand-Ruel. »
Albert Lauzero arrive à Paris en 1927, il a dix-huit ans, dès son arrivée la" lumière" de l'Île de France l'émerveille. Il fait son service militaire à Montpellier et prend conscience de sa vocation d’artiste. Il revient à Paris, tombe malade en 1933, se soignera pendant 5 ans, cessant même de peindre et dessiner. Il reprend sa carrière artistique en 1938, à l’Académie de la Grande Chaumière, sous le professorat d’Othon Friesz, d’Yves Brayer et en tant que graveur dans l’atelier de Paul Bornet. Il est également postier : inspecteur à Montmorency dans l’Oise : à quelle période ?
En 1947, sa première exposition particulière Galerie Carmine. Remarqué, il participe au Salon d’Automne, il vit désormais de sa peinture, il multiplie les expositions personnelles ou de groupe et bénéficie de commandes de l’État jusque dans les années 70. Inspiré par les paysages, les bords de Seine et les villages d’Ile-De-France, il se forge très vite un style personnel au sein de l’École de Pontoise (1950) dont il est un des fondateurs avec René Blanc et Charles Pollaci. Il expose abondamment en France et à l’étranger et voyage tout autant. En 1957, il se tourne vers des expérimentations artistiques en atelier, naviguant entre le figuratif et l’abstrait, découvre la baie de Somme et inscrit désormais le thème de la musique dans ses toiles. Il est également membre de la Société Artistique PTT dès juin 1957 grâce au secrétaire général de la Fédération, Gaston Penavayre et à l’entremise de Georges Massié, directeur adjoint des Beaux-arts de la ville de Paris. Dans les années 1970, il retrouve la lumière gasconne et se consacre à une production dense et marquante, affinant son style. En 1983, il devient un des membres fondateurs du groupe « 109 », groupe d’artistes professionnels qui expose en Biennale au Grand Palais. En 1987, Montmorency lui rend un important hommage dans le cadre de son salon et organisera une rétrospective en 2005.
Quand Albert Lauzero est en région parisienne, il est attiré par les molles boucles de la seine, les toits en bâtière des clochers tapis d’Île de France, les coteaux de Montmorency, les falaises du pays cauchois : « Partant d’une palette réduite, il sait par un mûr et patient travail de la brosse faire vibrer des gris et des bleus, d’une multiple et rare distinction, dans des ciels souvent immenses, et sur un dessin nerveux, que rongent de légères épaisseurs de matière, donner du corps à tous les éléments solides, évoquant plus que représentés, avec une infinité d’ocre en des bruns chauds, quelques rouges, quelques émeraudes et de grands blancs crayeux savamment modelés. »
Mais il conservera tout au long de sa vie un attachement particulier à sa terre gasconne, à la lumière de son Gers natal où il effectue des séjours réguliers.
Ses œuvres sont souvent musicales. Une vibration, une émotion envoûtante, une vision poétique se dégagent de ces toiles où l’on ressent également une volonté affirmée, une nature discrète et délicate. Un dépouillement de construction qui le conduit aux limites de l’abstrait. Sa tendance à structurer les surfaces en formes géométriques, en prismes de lumière, en verticales qui s’élèvent, évoque une certaine spiritualité.
Comments